Personne calcule Chimène

Sarah Bouzi (sélectionnée dans la compétition contrebande au FIFIB 2022 avec Ne pleure pas Halima) signe avec son premier film produit, Personne calcule Chimène, une œuvre originale sur le tabou, la famille et les liens entre l’Algérie et la France. Alors que Chimène, la cadette, cherche à comprendre l’énigme laissée par le départ soudain de ses parents, ses efforts se heurtent au silence de ses sœurs et au poids du secret. La télévision devient alors une aide pour affronter le tabou : elle offre un élan, une énergie, une manière de transformer la solitude en force. Le film trouve sa singularité dans la tension entre des régimes d’images différents, du clip à la télénovela, comme si fragments et ruptures de ton constituaient la forme même d’une histoire opaque. Il parvient ainsi à donner une matérialité étonnante au tabou, sans en atténuer la puissance, en assumant une esthétique bigarrée et volontairement dissonante. Comme dans l’expression « avoir les yeux de Chimène », Chimène incarne à la fois l’adoration et le désir ardent de ce qui échappe. Ici, son regard se tourne vers l’Algérie, dont l’histoire douloureuse, marquée par les non-dits, reste à regarder, à aimer et à réinventer.

Natacha Seweryn